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Louise de La Vallière, fleurs et parfums

"Le roi tomba aux genoux de La Vallière, qui roula dans ses bras. Rien n'était incendié que le coeur de cette jeunesse qui s'enivrait de la musique de Lully, du parfum des fleurs, de l'encens des cassolettes d'or, de tout ce luxe et de l'éclat de la fête. La Vallière allait passer, et avec elle la bonté, la douceur, la franchise et le bonheur."

Françoise-Louise de La Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière et de Vaujours, née le 6 août 1644 à Tours, est connue pour avoir été l'une des maîtresses de Louis XIV, de 1661 à 1667, avant d'être délaissée par lui, d'entrer au couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, à Paris, et d'y prononcer ses voeux perpétuels le 3 juin 1675. Louise passa sa petite enfance à l'hôtel de Crouzille, à Tours et au château de La Vallière, à Reugny, propriété de sa famille.

Ci-dessus, portrait de 1667 de Louise-Françoise de la Baume Le Blanc, Mademoiselle de la Vallière, duchesse de Vaujours (1644-1710)
par Jean Nocret (1615-1672), collection du château de Versailles© - image issue de Wikipédia

Les plaisirs de l'isle enchantée, 1664

Commandés par le roi, conçus par le machiniste et décorateur Carlo Vigarani et organisés par le duc de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre, les divertissements du printemps 1664, dits Les Plaisirs de l'Isle enchantée, reprennent un épisode du Roland furieux de L'Arioste. Dans cet épisode du célèbre roman du poète de la Renaissance italienne, le chevalier Roger est retenu enchanté par la magicienne Alcine, avant d'en être délivré par la bague de son amante Angélique. Pour l'occasion, le département des Menus Plaisirs s'est associé à celui des Bâtiments du roi, dont Colbert a pris la tête quelques semaines auparavant. Une organisation structurée se met en place au service d'une économie de la gloire royale.

Louis XIV, âgé de vingt-cinq ans, règne depuis 1643 et "personnellement" depuis 1661. Il a déjà témoigné des goûts affirmés pour l'art des jardins, la musique, la danse, les exercices équestres, et n'hésite pas à participer lui-même aux spectacles qui scandent la vie de la cour, en particulier sur des airs de Lully, surintendant de la musique. Les Plaisirs de l'Isle enchantée réunissent donc l'ensemble des arts pour lesquels le souverain, marié à Marie-Thérèse d'Autriche mais vivant une histoire d'amour adultérine avec Louise de La Vallière. Le décor choisi - le parc du château de Versailles - est depuis quelques années l'objet d'aménagements dirigés par André Le Nôtre.

Défilés, courses, ballets, pièces de théâtre, feux d'artifice et musique résument la magnificence de la fête. Les invités se promènent dans un cadre de verdure au milieu des Lilas, des Muguets et des Roses. Martial Parmentier, présenté dans l'historiographie comme le parfumeur de Louis XIV, compose à cette occasion le parfum "à la Duchesse" mêlant aux notes fraîches de cédrat celles plus capiteuses de la jonquille et du jasmin, dédié à Mademoiselle de La Vallière, à qui Louis XIV donne rapidement un statut officiel, alors qu'elle était issue d'une petite famille de la noblesse de province.

Les parfums

L'essence de La Vallière est un parfum, dont la formulation apparaît en 1837 chez la femme de lettres Elisabeth Celnart (1787-1865) : il s'agit d'un "distillat de fleurs d'oranger, de roses muscades, de cannelle et de girofle additionné d'esprit de jasmin coloré en rouge et complété facultativement d'essence de limette et d'essence de Portugal".

Elle est reprise dans Le Nouveau Manuel du Parfumeur de P. Pradal, Villon (1895, 1930). Le Formulaire des principales spécialités de parfumerie de René Cerbelaud (1920) donne une version par assemblage d'huiles essentielles (absolue de fleur d'oranger, de jasmin, de rose - musc du Tonkin, Néroli et Rose synthétique, H.E. de cannelle de Ceylan et de girofle Bourbon (une goutte), Essence de limette et de Portugal dans l'alcool à 90°.

Madame de La Vallière de Parfums du Château de Versailles (Cassis, Pamplemousse, Arômes verts / Rose, Jasmin, Lys/ Musc blanc, Safran et Ambre) a été mis sur le marché en 2014.

L'amour des roses

Les parfums des roses étaient apparemment très appréciés de Louise, dont elle brûlait des cassolettes dans son couvent en souvenir des parfums floraux qu'elle avait connus à la cour. Henri-Louis Duclos la décrit ainsi : "cette grâce si jeune et si fraîche, cette étoile dans l'aurore de Louis XIV, fleur qui donnera son parfum à la cour de France, nature expansive et rieuse, dont l'entrain et le naturel charmeront au sein des pompes artificielles".

D'ailleurs, en effectuant des recherches afin de préparer ce billet, j'ai découvert qu'une magnifique rose thé avait été nommée par le rosiériste Kordes Rosen 'Madame Anisette/ Mme de La Vallière'. Obtenue en 2013 par ce grand rosiériste, cette variété présente de belles roses d'un chou blanc crémeux, délicatement ombrées de rose abricoté pâle au coeur et exhale un parfum étonnamment aromatique avec des notes anisées. Superbe en massif, avec de petits arbustes ou des plantes vivaces, elle permet également la composition de charmants bouquets.

Rosier Thé (Grandiflora) PARFUMA® Madame Anisette®/Mme de La Vallière 'Korberonem' - photographie Promesses de Fleurs©

Face à un tel intérêt pour les fleurs, notamment les Muguets, les Lilas et les Roses, je suis convaincue, à chaque fois, de l'intérêt de plonger dans les sources anciennes afin de trouver l'inspiration pour développer des projets culturels et patrimoniaux inédits. J'ai parfois l'amère sensation que ce sont les mêmes idées qui sont rebattues ici et là et que la créativité, l'imagination, la nouveauté font désormais pâle figure. Alors pourquoi ne pas créer une collection de fleurs inspirée par la vie de Louise de La Vallière ? Nous sommes dans un pays qui a une tradition horticole, le fameux patrimoine horticole, notamment ornemental, dont personne ne parle jamais et qui nous distingue pourtant de tant d'autres pays. Nous vivons dans une région nommée "jardin de la France" même si ce qualificatif désignait au démarrage davantage les productions maraîchères et fruitières. Mais que dire alors de tous ces jardins ornementaux, de tous ces obtenteurs et producteurs de plantes qui firent la fierté de notre région au 19e siècle et qui ont disparu avec les guerres du 20e ?

J'effectue, depuis 2009, des missions pour le Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées (CCVS), qui attribue des labels de Collection Agréée et de Collection Nationale à des collections de plantes à travers la France, à l'image de ce que fait Plant Heritage en Grande-Bretagne. Ce label permet de récompenser la passion des collectionneurs, de sauvegarder des espèces botaniques ou des variétés horticoles menacées de disparition et de participer au développement culturel et touristique d'un territoire. Il y a tant d'idées à développer autour de sites dont l'histoire est mêlée à celle de plantes, de jardins disparus, d'obtenteurs autrefois célèbres...

Sources bibliographiques : toutes les informations mentionnées ci-dessus proviennent des sources indiquées à la fin de l'article Louise de La Vallière rédigé sur Wikipédia, d'un article rédigé par Israël Silvestre en juin 2017 sur Les Plaisirs de l'Isle enchantée et d'un article rédigé en 2020 par Alice Camus sur Le parfumeur Martial : réalité historique d'un marchand mercier sous Louis XIV.