Jardin de la propriété de M. Taschereau en 1896 (Rochecorbon)

La propriété située au 2 rue des Clouet, à Rochecorbon, appartenait, en 1896 à Jules Antoine Charles TASCHEREAU, fils de Jules Antoine TASCHEREAU (1801-1874), ancien député d'Indre-et-Loire, érudit et hommes de lettres qui créa la revue Rétrospective et fut l'un des biographes de Molière. Nommé administrateur général de la Bibliothèque Impériale par Napoléon III, son oeuvre dans cette maison, fut importante : la célèbre salle de lecture, en particulier, oeuvre de l'architecte Labrouste, fut inaugurée sous sa direction, mais, surtout, il laisse son nom à l'entreprise et à la mise en oeuvre du Catalogue de la Bibliothèque.

Jules Antoine Charles TASCHEREAU naît à Paris le 31 août 1843 et exerce la profession de receveur des finances au sein du bureau de perception du 17ème arrondissement de Paris. Il se marie le 15 avril 1872 dans le 1er arrondissement de Paris avec Madeleine BREGUET (1853-1877), fille de Louis Clément François BREGUET (1804-1883) et de Charlotte Eugénie Caroline LASSIEUR (1815-1889); le contrat de mariage est passé devant Maître ACLOQUE, notaire à Paris, le 13 avril 1872 et le mariage religieux est célébré à l'église réformée de l'Oratoire à Paris.

Le nom de BREGUET vous évoquera sans doute le monde de la joaillerie et des montres de luxe... et vous aurez raison car il s'agit de la même famille. C'est une famille française et suisse qui a donné de nombreuses personnalités dans le monde des sciences, des arts, mais également dans l'engagement politique et intellectuel. Son ancêtre le plus ancien est Jean BREGUET, pasteur huguenot, mort en 1593 et proche de Jean CALVIN.

Louis Clément François BREGUET, fils d'Antoine Louis BREGUET, est horloger. En parallèle à son travail, il est également physicien. Il participe avec Antoine MASSON à la mise au point d'une bobine d'induction, perfectionnée par Heinrich Daniel RUHMKORFF, qui le rend célèbre. Il fabrique également un miroir tournant, utilisé par Léon FOUCAULT et par Hippolyte FIZEAU, pour mesurer la vitesse de la lumière (1850). En 1833, il épouse Eugénie Caroline LASSIEUR, dont il a 3 enfants :

• Louise (1847-1930), mariée en 1868 à Ludovic HALÉVY (1834-1908), dramaturge, librettiste et romancier; il collabore avec MEILHAC pour les livrets des plus célèbres œuvres scéniques de Jacques OFFENBACH dont La Belle Hélène (1864), La Vie parisienne (1866), La Grande-duchesse de Gérolstein (1867) et La Périchole (1869). Ce duo de plumes est également à l’origine de la non moins célèbre Carmen de Georges Bizet (1875). HALÉVY est élu à l’Académie française en 1884. La descendance de Ludovic HALÉVY constitue l’union d’une grande famille de scientifiques (les BREGUET) et d’une famille de grands artistes, écrivains et intellectuels engagés (Les HALÉVY et les JOXE). De l’union de l’essayiste et historien Daniel HALÉVY (1872-1962), fils de Ludovic HALÉVY et Louise BREGUET, avec Marianne VAUDOYER, naît Françoise-Hélène HALÉVY, qui épousera l’historien et homme politique Louis JOXE, qui donnera naissance à Pierre JOXE et Alain JOXE.
• Antoine (1851-1882), marié en 1877 à Marie DUBOIS.
• Madeleine (née en 1853), mariée en 1872 à Jules Antoine Charles TASCHEREAU.

De l'union entre Jules Antoine Charles TASCHEREAU et Madeleine BREGUET naissent deux enfants :

• Henriette Caroline (1873-1955), mariée le 28 juin 1900 à Jean Édouard Albert COMTE (1868-1944)
• Charlotte Sophie, née en 1874.

Le couple réside à Paris et la propriété située dans le quartier de Montguerre, à Rochecorbon, est leur résidence secondaire.

Ci-dessous, la propriété de Montguerre au début du XX^e siècle, avant la destruction de la maison en 1944 lors d'un bombardement allié (origine Delcampe©).

Visite du jardin de Jules Antoine Charles TASCHEREAU le 31 août 1896

Le 31 août 1896, une Commission de la Société tourangelle d'Horticulture, composée de MM. JAMIN, LEGUY, GRIVEAU, BESNARD, DUPONT et BOUCHAUD, se rend à la propriété de M. TASCHEREAU, sur demande du jardinier, M. MORISSOT.

En 1896, Jules Antoine Charles TASCHEREAU est alors propriétaire des parcelles suivantes : ci-dessous, cadastre napoléonien de 1817, Rochecorbon, Section E2, Archives départementales d'Indre-et-Loire©. Les parcelles de couleur vert clair appartiennent à M. TASCHEREAU.

Voici le compte-rendu rédigé à l'issue de la visite.

"La propriété de Montguerre, appartenant à M. Taschereau, est située à l’appui des magnifiques coteaux de Rochecorbon et traversée par la ligne des tramways de Tours à Vouvray. (Ci-dessous, Route de Vouvray, à Rochecorbon, 1906 - Delcampe©)

La partie fleuriste est assez bien tenue ; nous avons remarqué une rose des vents placée sur une petite pelouse devant l’habitation, elle est bien réussie.

Un Canna ‘Président Carnot’, des pyrèthres mousse, Lobelia erinus, Echeveria, Alternanthera amoena, remplissent le centre. Les points cardinaux sont tracés en Sedum, Alternanthera amoena, Alternanthera versicolor, Alternanthera paronychioides. Deux corbeilles faisant l’ensemble forment une fleur de lys, en Coleus verschaffeltii, remplie de Begonia semperflorens roses, de pétunias, un Canna au centre et des Ricins sanguins du Cambodge.

Divers autres massifs de la propriété sont bien réussis également, entre autres un très grand massif en pente devant une grille donnant accès sur la route nationale, composé de bégonias bulbeux rouges et roses, de Begonia grandiflora, çà et là 14 Ricins du Cambodge et 14 cannas à grandes fleurs, bordures d’Ageratum nains bleus, de Pyrèthre parthenium et de Lobelia erinus.

(Ci-dessous, parcelles du Potager de M. TASCHEREAU, Cadastre napoléonien de 1817, Archives départementales d'Indre-et-Loire©. Les parcelles du Potager sont de couleur vert clair, en bord de Loire.)

Nous passons ensuite au potager qui, placé entre la Loire et la ligne des tramways, forme 4 carrés dont toutes les plates-bandes sont garnies de fleurs à couper de toutes sortes. Les melons sont beaux et semblent beaucoup se plaire dans cette terre d’alluvion où tout prospère à souhait. En général, le potager est convenablement garni en haricots, oignons, carottes, poireaux, etc., et les arbres fruitiers sont très bien tenus.

La Commission croit devoir faire remarquer à la Société que M. Morissot n’est jardinier à cette propriété que depuis une année seulement et propose qu’il lui soit accordé une médaille d’argent petit module. Le 31 août. Le rapporteur, L. Bouchaud".

Ci-dessous, photographie de Jules TASCHEREAU (à gauche), avec Jacques Émile BLANCHE et Edgard DEGAS en décembre 1895, extrait des Albums Halévy, considérés comme un trésor national, avec environ 1370 photographies, dont 13 par Edgard DEGAS, montées par Ludovic HALÉVY et sa famille en six albums dont quatre portent des légendes autographes de la main de Ludovic, années 1860-vers 1914; Gazette Drouot©.

À suivre : les collections végétales du jardin des TASCHEREAU.